(Fiche trop longue : Je dois split uu')
Histoire :
Durant les terribles événements du Purgatoire, comme parmi tant d'autres, une jeune dragonne bleue se cacha à Arcadia pour fuir la guerre. Lorsque le conflit prit fin, elle resta y vivre, séduite par l'harmonie et la paix qui y régnaient. Là, elle y côtoya Humains et Dragons, ainsi que l'improbable fruit de leur étrange et tragique amour, durant des siècles.
Bien qu'elle trouvait profondément triste cette union, le Manakete étant condamné à voir dépérir son partenaire aimé en quelques décennies à peine, la dragonne succomba finalement un jour aux charmes de l'un de ces êtres fragiles, dont la vie si éphémère semblait n'en être que plus intense, comme une bougie consumée par une splendide flamme.
Elle qui vivait depuis déjà près d'un millénaire, dans une routine qui se répétait jour après jour, sans prendre se soucier du passage du temps, prit goût à la façon de vivre au jour le jour de son compagnon humain. Et de leurs étreintes passionnés finit par se développer une petite graine au fond de son ventre.
Une sang-mêlée en pleine santé naquit alors et dont les Humains abrégeaient le nom en Lilim, mais elle n'eut guère le loisir de connaître ses parents. Son mortel de père se mit à grisonner et à tousser tandis qu'elle commençait à peine à marcher à quatre pattes, et elle se tenait depuis peu debout lorsque la flamme de sa vie fut doucement soufflée par les lois du destin.
C'était une fatalité triste, inévitable, mais que l'on acceptait et vivait avec sérénité à Arcadia. Plutôt que pleurer leurs disparus, les survivants préféraient se rappeler avec joie des moments passés à leurs côtés, alors que les villageois veillaient tous les uns sur les autres.
Mais de façon relativement rare, sa mère avait choisi de vieillir avec son compagnon, et à la naissance de leur enfant elle lui offrit sa Dracopierre, sertie sous forme d'un pendentif. Il lui en coûtait de ne pouvoir l'élever, la voir grandir et aimer à son tour...mais la Manakete savait qu'elle était entre de bonnes mains, dans ce village où la générosité faisait loi. Privée du pouvoir de sa pierre, la dragonne s'affaiblit à grande vitesse, et rendit sereinement l'âme qu'on lui avait offert il y a si longtemps peu après son compagnon.
Lilim grandit alors sous la tutelle d'un ami proche de sa mère qui lui parlait souvent de ses parents, pour ne pas dire qu'il radotait parfois durant des semaines entières, ainsi que de nombreux villageois. Les Humains se succédèrent durant des générations, grandissant à ses côtés, puis veillant sur elle une fois adultes tandis qu'elle n'était encore qu'une fillette. Quand elle eut dépassé son premier siècle, elle commença à en faire de même auprès des jeunes Manaketes, qui vieillissaient encore plus lentement qu'elle.
Ainsi, la vie continua à Arcadia, et son cycle était loin d'être fini.
A l'orée de son troisième siècle, Lilim succomba à son tour aux charmes d'un pur Humain. Il était insouciant et rieur, amateur de cabrioles et peut-être un peu innocent sur les bords. La nature fit ce qu'elle avait à faire, et une nouvelle génération se mit en marche.
Celle qu'on connaît depuis sous le nom tronqué de Maze vit alors le jour et eut la chance, elle, de grandir suffisamment longtemps avec ses parents pour garder un souvenir clair de son père, qui fut finalement emporté par le passage du temps avant même qu'elle ne mette un pied dans l'adolescence. Sa mère en chérissait les souvenirs tout en riant, s'exclamant de sa voix claire qu'au moins, il n'aurait pas à gérer les amourettes et les "problèmes de fille" de la jeune sang-mêlée qui ne fut pas moins aimée du reste du village que sa mère ne l'avait été.
La jeune Maze semblait avoir plus hérité du côté de son père, car c'était une petite acrobate. Dès qu'elle en avait l'occasion, la fillette gambadait, grimpait et sautait partout où elle le pouvait et faisait preuve d'une vitalité à toute épreuve. Lorsqu'elle jouait avec les autres enfants du village, elle ne s'arrêtait que lorsque tous ses camarades déclaraient forfaits, épuisés, et elle retournait alors le plus souvent chez elle pour réclamer de nouvelles histoires sur ses grands-parents. Lilim lui préparait alors une infusion, espérant calmer un peu cette véritable sauterelle à ressorts, et lui racontait les mêmes aventures dont on l'avait abreuvée lorsqu'elle était petite.
Au cours de la décennie qui suivit la mort de son père, le calme serein qui baignait Arcadia fut rompu pour la première fois en mille ans. Désireuse de s'emparer de l'arme de l'un des Héros du Purgatoire qui dormait sous les sables, l'armée du Roi Zephiel envahit le paisible village, faisant découvrir la peur, la violence et la folie à une civilisation sans défense et sans animosité.
L'Armée de la Libération, menée par le jeune Roy de Pherae arriva fort heureusement peu après pour libérer Arcadia et chasser les troupes de Bern du désert, les empêchant également de mettre la main sur le redoutable tome Forblaze.
Mais hélas, ils arrivèrent trop tard pour éviter tout sévice à la population. Quelques villageois souffrirent de violences et de vols, et parmi eux Lilim qui fut attrapée et passée à tabac par plusieurs soldats qui dérobèrent la dracopierre de sa mère, la prenant pour un bijou précieux.
Quoique bien plus blessée de la perte du magnifique joyau que par les coups reçus, démontrant qu'elle avait la peau encore plus dure que sa fille, Lilim ne chercha cependant pas à se lancer à la poursuite de ses voleurs et préféra veiller sur Maze, qui avait été profondément troublée par cette découverte soudaine de la violence.
Choquée et tremblante, la fillette ne comprenait pas pourquoi ces hommes étaient soudainement venus pour leur faire du mal et avait pris le souvenir de sa grand-mère. Lilim, tandis qu'elle récupérait de ses blessures, lui assurait que ce n'était au final rien de plus qu'une pierre, qu'elle n'était pas nécessaire pour se souvenir de leurs ancêtres et que le plus important était qu'elles soient en bonne santé.
Si elle était assez d'accord, Maze souhaitait tout de même récupérer un jour la pierre tandis qu'elle prenait conscience de l'existence d'un monde entier au-delà des dunes sans fin de Nabata...mais elle ne se sentait pas prête du tout pour aller l'affronter, contrairement à la jeune Fae, véritable perle inestimable du village car elle était la seule Dragon-divin enfant d'Arcadia, qui se lança à la poursuite de l'armée de la Libération. Des quelques nouvelles qui leur parvinrent ensuite, la fille-dragon s'était attirée pas mal d'ennuis mais fut sauvée par Roy et ses troupes.
Quelques mois plus tard, la nouvelle tombait : le Roi Zephiel était mort et la guerre finie. Peu après, Fae et Idunn, une dragonne aux airs absents que seuls les plus anciens ayant connu le Purgatoire reconnurent honteusement, rentrèrent à Arcadia et la vie recommença à fleurir.
Un an plus tard, après une longue hésitation, la peur de Maze fut finalement vaincue par sa curiosité et, non sans que tout le village en soit au courant, se lança enfin à la découverte de ce monde emplit de mystères - dont Fae ne cessait jamais de vanter les beautés et les surprises - et à la poursuite de la Dracopierre familiale. Âgée de près de cinquante ans, l'enfant semblait en avoir à peine dix.
Pour lui éviter des ennuis, à la fois sur la route et dans la ville, on la fit attendre le départ d'une caravane vers Étruria et passa plusieurs mois en compagnie des autres villageois à découvrir le riche royaume de la magie et des arts.
Si son avis rejoignait globalement celui de l'innocente - et insouciante - Manakete au sujet de la beauté du monde et de ses paysages, Maze remarquait malgré tout les étrangetés de la société humaine. L'argent, les castes, les inégalités, la violence aveugle ou gratuite...tant de choses qui la dépassaient, et que ses compagnons de route ne parvenaient pas plus qu'elle à comprendre ou à lui expliquer.
Candide, la fillette n'hésitait pas à demander à presque tous les gens qu'elle croisait s'ils n'avaient pas vu sa pierre. Bien sûr, lorsqu'elle leur décrivait le joyau, l'immense majorité pensait qu'elle était une enfant rêvant d'une richesse impossible, ou folle. Mais les refus n'entamèrent jamais sa résolution, et elle continua à poser sa question tant qu'elle voyageait avec la caravane.
Hélas, les voyageurs d'Arcadia ne s'éternisaient jamais très longtemps au même endroit, et s'il lui plaisait de découvrir sans cesse de nouveaux paysages, Maze déplorait de ne pas pouvoir fouiller de fond en comble chaque cité traversée, d'autant qu'elle commençait à trouver un peu suspecte cette manie des citadins de s'offusquer et de la jeter dehors lorsqu'elle demandait pourtant poliment si elle pouvait fouiller jusqu'au moindre tiroir de leur maison.
Ils n'étaient vraiment pas coopératifs avec elle, les vilains !
Ses compagnons, compatissants eux au moins, prolongèrent autant que possible leur route hors de leur patrie, mais vint un temps où il leur fallait rentrer au bercail, au grand dam de Maze qui demandait toujours "encore un jour s'il vous plaît !" absolument tous les jours depuis presque un mois.
La solution-compromis se manifesta sous les traits d'un mercenaire d'âge mûr, un bandeau sur l’œil et une pipe en bois sombre à la bouche, qui proposa d'accompagner la jeune fille dans son périple.
Il avait entendu parler - comme la moitié de la ville, tant la fillette ne cessait jamais d'aborder les gens - de la quête de Maze et s'il n'avait pas tout saisi, le combattant à louer comprenait l'importance qu'avait le bijou pour la sang-mêlé et affirmait connaître deux ou trois personnes qui pourraient peut-être - et il insista sur le "peut-être" - avoir une piste.
Tout d'abord un peu réfractaires à l'idée de confier la gamine à un parfait inconnu, l'enthousiasme de Maze et la sympathie du mercenaire envers elle - il disait qu'elle lui rappelait sa propre fille, hélas morte lors d'une attaque de bandits quelques années avant la guerre - eurent raison de leurs inquiétudes.
Après une liste presque infinie de recommandations à propos de Maze, qui s'en offusqua bien plus que le mercenaire, qui s'amusait au contraire de la longueur des consignes, ils passèrent une nuit ensemble à l'auberge pour échanger quelques chopines et histoire en laissant la fillette carburer à la camomille pour l'empêcher de sauter d'une table à l'autre, et se séparèrent le lendemain à l'aube.
Ainsi, la caravane souhaita bonne chance à l'enfant et exigèrent qu'elle envoie régulièrement des nouvelles, ce que Maze promit de faire sans avoir la moindre idée de comment s'y prendre - mais c'était un détail hors de sa considération - avant de retourner à Nabata tandis que la jeune fille et le mercenaire se dirigeaient vers l'Est.
Toute excitée de cette nouvelle aventure, avec quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, sur des routes qu'elle n'avait jamais vues, en direction d'une ville dont elle ne se rappelait pas avoir déjà entendu le nom, Maze n'eut de cesse de papillonner dans tous les sens, à la moindre curiosité.
"En route vers Bulgar !" avait-il dit. Bien qu'elle posa la même question plusieurs fois, le mercenaire lui expliqua à chaque fois qu'il s'agissait de la capitale des plaines de Sacae, et l'un des plus importants carrefours commerciaux du continent. Sa position la rendant accessible à la fois à Ilia et Bern, qui l'entouraient par le Nord et le Sud, mais aussi à la ligue de Lycia et à Étruria, pourvu qu'ils fassent un peu plus de route.
Complètement à la masse, mais toujours aussi survoltée, Maze se fit ensuite expliquer ce qu'étaient les plaines de Sacae, ce qu'était une capitale, et qu'est-ce qu'étaient ces énormes créatures quadrupèdes dotées de cornes qui mugissaient dans de grandes prairies le long des routes.
Elle fut très impressionnée de découvrir ainsi les vaches, et d'apprendre qu'elles faisaient du lait qui pouvait servir à la consommation directe ou à la production de fromage.
Il fallut alors lui expliquer ce qu'était un fromage, et après le développement technique de la chose pour qu'elle comprenne comment ça marchait, elle s'exclama en toute candeur "Aaaah, mais on en a aussi à Arcadia !".
La route allait être longue, épuisante, mais certainement pas ennuyeuse...
S'émerveillant d'absolument tout, Maze passait le plus clair de son temps à demander "c'est quoi ça ?" ou "tu me racontes une histoire ?" au mercenaire qui se prêtait volontiers au jeu.
Comme dans son métier, on était amené à rencontrer toutes sortes de gens, d'employeurs et de batailles, Ulfric - le mercenaire en question - avait moult anecdotes à offrir à la jeunesse avide de péripéties. C'était d'ailleurs pour cette même raison qu'il avait été amené à rencontrer quelques marchands et autres collectionneurs qui pourraient éventuellement en savoir plus au sujet du trésor perdu de la fillette.
Merveilleusement gentille, la petiote le remerciait à chaque fois qu'il en faisait mention, et lui assurait que ce n'était pas grave si, au final, elle ne devait rien apprendre de plus à propos de son joyau... Au moins, il aurait tout fait pour l'aider, et elle trouvait ça formidable.
Durant les deux semaines de trajet en carriole, dont l'inconfort ne gêna guère la fille du désert, Maze pensa apprendre l'essentiel de ce qu'il y avait à savoir à propos de Bulgar et de Sacae, et chantonnait d'impatience à l'idée d'enfin visiter cette fabuleuse capitale.
Ce qu'elle ignorait royalement en revanche, son "généreux compagnon" s'étant bien abstenu de le lui préciser, c'est que Bulgar possédait également un fantastique marché noir, où l'on pouvait troquer des herbes interdites comme des humains sans aucune difficulté. Il était possible d'acheter et vendre n'importe quoi à Bulgar, à n'importe qui, à n'importe quel prix, pour peu qu'on sache où et comment s'y prendre.
Et face à la naïveté ahurissante des natifs d'Arcadia, le mercenaire avait rapidement flairé la bonne affaire et songé à vendre la dynamique et mignonne petite fille à quelque dépravé tordu du cerveau, prêt à allonger une montagne d'or en échange d'une gamine pareille. Sans même parler de son origine hybride, qui augmenterait probablement encore sa valeur.
Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est qu'à leur première nuit dans la bordure extérieure de la cité, dans une auberge modeste sur le service mais relativement "sûre", cette fichue morveuse au caractère électrique ne soit pas fichue de tenir en place.
Surexcitée par le voyage, qui l'empêchait le plus souvent de se dégourdir les jambes, et par l'arrivée à cette fameuse capitale dont elle ne demandait qu'à découvrir les moindres recoins - et où elle espérait bien retrouver la trace de sa Dracopierre dans la foulée - Maze ne réussit pas à fermer l’œil de la nuit et dans son éternelle innocence - habituée depuis presque trente ans à pouvoir sortir le soir, même seule, sans risquer plus qu'un rhume - se décida à explorer un peu les rues et la vie nocturne de Bulgar en se faufilant discrètement par la fenêtre de l'étage afin de ne pas se faire gronder.
Comme toujours, elle était stupéfaite de l'activité qui grouillait toujours, même à la nuit tombée, dans les grandes villes. C'était d'autant plus vrai dans cette immense cité, où les gens qui affichaient la plus grande diversité d’ethnies et de styles vestimentaires qu'elle avait pu voir, continuaient semblait-il leur journée et ses tractations qu'il fasse clair ou sombre.
La raison menaçant peut-être un jour d'allumer une chandelle dans sa caboche, Maze se demanda pendant quelques moments s'il était bien prudent de s'aventurer dans une ruelle sombre où les gens échangeaient à voix basse en se passant les marchandises de manteau à manteau, à l'abri des regards.
Mais pour raison, ça sera pour plus tard, car devant cette scène qui se répétait un peu partout dans la ville, la "jeune" fille se dit que le peuple était ici bien plus sympa qu'au premier abord, car il faisait de son mieux pour ne pas faire de bruit afin de ne pas déranger ceux qui partaient dormir en même temps que le soleil !
Convaincue du bienfondé de son raisonnement, l'aventurière au rabais s'égara gaiement dans les rues sombres au gré de ses envies, saluant à voix basses les noctambules que composaient les marchands du soir, les dames aux appas hypnotisants qui sortaient de plus en plus, les fêtards ripailleurs et éméchés et quelques curieux taciturnes.
Comme le plus souvent dans ses voyages, les gens la dévisageaient d'un air étrange, probablement surpris, lorsqu'ils la croisaient. Elle leur souriait alors et leur souhait un "bonsoir !" vigoureux, avant le plus souvent de se fendre d'un air coupable, de se couvrir la bouche, et de répéter son salut à voix basse en se rappelant qu'il était tard.
Bien évidemment, il ne fallut pas une heure avant qu'elle ne commence à être suivie car en plus d'être dépourvue de bon sens, ses pas l'avaient conduite dans les quartiers peu recommandables aux braves gens du bon peuple. Il faut dire aussi que, lorsqu'on est une petite fille qui aborde les tapineuses blasées, qui se retrouvent, assez gênées, à devoir expliquer qu'elles sont des filles de joies tout en dissuadant la gamine d'en devenir une, et que plus on lui "c'est pas un bon métier pour toi", plus elle se met à bouder et crie haut et fort "mais je suis une fille pleine de joie, moi aussi !", il y a quelques menues chances pour attirer de mauvaises intentions.
Comme elle ne regardait jamais derrière elle, puisqu'elle ne pouvait de toute façon pas soupçonner quelqu'un de nourrir de sombres desseins à son sujet à moins qu'il ne lui dise de face - et encore, elle aurait été fichue de lui demander si elle pouvait utiliser ses crayons elle aussi - la jeune imbécile n'avait pas la moindre idée du sort qui la suivait dans le noir.
Quelques fois, elle fut tentée de s'aventurer dans une taverne où la fête se prolongeait jusqu'à tôt le matin, mais face au vacarme et aux démonstrations de force auxquelles se livraient souvent les poivrots, elle préféra passer son chemin, intimidée par l'agitation et convaincue - dans un exceptionnel moment de lucidité - que sa petite voix ne se ferait jamais entendre dans ce tumulte.
Son destin ne se joua pas à grand chose, et se montra étrangement ironique. Aux abords des faubourgs plus pauvres, là où personne ne risquait de se soucierait un seul instant de savoir qui elle était, et où elle était passée, ses poursuivants accélérèrent le pas. Il est toujours difficile dans les ombres de savoir combien y rôdent, mais face à une telle aubaine, l'important est de frapper au bon moment.
Mais ils se retrouvèrent le bec dans l'eau, car au détour d'une ruelle, le temps qu'ils franchissent eux-même l'angle, l'enfant avait disparu, volatilisée. On les avait devancé.
Et pourtant, elle n'était pas loin, cachée dans le demi sous-sol à proximité. Les choses s'étaient passées tellement vite, sans aucun avertissement préalable, que la sang-mêlé en était restée muette, maniable comme une poupée alors qu'elle essayait encore de comprendre ce qui venait de lui arriver.
Maze se souvenait d'avoir tourné dans une rue, avoir fait quelques pas, puis une ombre s'était abattue sur elle, couvrant sa bouche et l'empoignant à bras le corps pour l'arracher dans les ténèbres. Elle avait le sentiment d'avoir été presque jetée par terre et de s'être cognée la tête sur quelque chose de dur, avant de se retrouver affalée au sol. Puis, l'ombre était revenue pour la réduire au silence, en veillant à retenir sa propre respiration.
En promenant un peu son regard, lorsqu'après quelques minutes migraineuses elle osa croire que son ravisseur ne lui voulait pas de mal, sinon il n'attendrait pas ainsi, elle remarqua une minuscule ouverture, au ras du sol "normal". Une simple aération pour la demi-cave miniature, mais surtout un passage privilégié pour ceux dotés d'une carrure minuscule, comme la sienne...ou celle de son kidnappeur qui relâcha enfin son souffle au bout d'une dizaine de minutes de silence et d'immobilité.
Dans la pénombre épaisse, Maze ne distinguait guère plus qu'une vague silhouette d'enfant. Probablement un garçon, qui ne devait pas avoir plus de dix ou onze ans et qui semblait bien maigre. Lorsqu'il retira enfin sa main, la sang-mêlé se dit qu'elle avait à nouveau le droit de parler et se demanda quelle question elle devrait lui poser en premier.
Mais avant qu'elle ne puisse même réfléchir, elle se prit une torgnole magistrale qui lui fit tourner la tête.
Le garçon semblait furieux, car il réussit l'exploit - selon elle - de lui crier dessus en murmurant. Il l'accusait d'être folle, inconsciente et d'avoir attiré les mauvaises personnes chez eux.
Entre la gifle qui lui cuisait la joue, cette colère presque silencieuse et des événements qui la dépassaient - elle ne savait pas où elle était - la fille des sables se recroquevilla sur elle-même d'un air piteux. Elle se retint de glapir de justesse, mais échappa un rire neveux à cause des chatouilles involontaires lorsque l'ombre la tâta sous toutes les coutures.
Convaincu pendant un instant qu'elle était une fille de noble, dont les trésors avaient rongé la cervelle, il fallut au voleur des rues admettre que l'étrangère ne possédait rien, pas même une bourse à vrai dire.
Parvenant enfin à s'apaiser, il l'aida à s'asseoir et lui intima de s'expliquer. Toute ratatinée dans son coin, ayant l'impression d'avoir fait une grosse bêtise sans même savoir quoi, Maze lui résuma sa vie. Elle faillit écoper d'une seconde baffe lorsque son "résumé" s'avéra en fait exceptionnellement long et lassa très vite son interlocuteur, alors elle abrégea autant que possible. La sang-mêlé se contenta de parler de l'assaut sur Arcadia, du vol du bijou de sa famille, sa recherche effrénée à travers le continent et sa rencontre avec le mercenaire qui l'avait conduite ici.
S'il avait du mal à tout saisir dans l'histoire de la fillette, le petit brigand ne doutait en revanche pas un instant de sa sincérité. Ne pouvant se résoudre à abandonner une autre victime de la guerre, surtout souffrant visiblement d'un défaut de construction, il lui proposa de l'aider à condition qu'elle fasse tout ce qu'il lui dise.
Bien que débordée par la situation, Maze comprenait très bien que son ravisseur était beaucoup plus débrouillard qu'elle et devait sûrement très bien connaître Bulgar et ses dangers. Et puis, c'était un enfant, et les humains lui disaient souvent de se méfier des adultes. C'était d'ailleurs bizarre, car c'étaient des adultes qui lui disaient toujours ça alors elle était perdue.
Mais dans tous les cas, lui, elle pouvait lui faire confiance et elle opina du chef, préférant ne pas parler de peur de reprendre une baffe-surprise, et le suivit presque ventre à terre lorsqu'il repassa par l'ouverture avant de l'entraîner dans d'autres ruelles en lui ordonnant d'être discrète et surtout de se taire.
Quelque part, elle avait eu de la chance d'être si bavarde, car la moitié du quartier avait ainsi été au courant de son passage et le "gang des jeunes" local avait pu l'intercepter à temps.
Il s'agissait d'une bande faite d'enfants et d'adolescents d'origines souvent très différentes. On y trouvait d'anciens esclaves en fuite comme des victimes de la guerre, des fils de marchands désabusés comme des rebelles refusant toute autorité adulte. Plus d'un tiers du gang possédait "une famille et une maison" mais refusait d'y retourner le plus souvent, ou d'y rester longtemps.
Certains vivaient de façon saine, autant que le peut un enfant des rues, là où d'autres s'abandonnaient aux déviances des bas-fonds. Les bagarres avec les autres groupes "jeunes" n'étaient pas rares, que ce soit pour une question de fierté ou de ressources. Les adultes, jugés moralisateurs et étouffants, étaient bien sûr banni de leur petit clan.
Ils vivaient essentiellement de larcins et des "services" qu'ils louaient. Le gang détestait devoir travailler pour des aînés, même lorsque les échanges se limitaient à un cadre purement "professionnel" mais avait trop besoin de cette rémunération.
Le plus souvent, les jeunots étaient chargés d'espionner d'une façon ou d'une autre. Observations directes et collectes de ragots étaient la base de leur "commerce", mais les plus audacieux et agiles pouvaient se laisser tenter par des offres plus risquées et juteuses, comme le vol de biens précieux à une cible bien définie. Les moins courageux, ou les plus honnêtes, se contentaient de servir de messagers.
Comptant une cinquantaine de membres, le clan avait l'habitude d'accueillir un nouveau ou de voir partir un ancien tous les dix jours en moyenne. Comme ils ne représentaient aucun danger pour la population ou les autorités, leur présence était tolérée. Quelques fois, des vigiles leur donnaient la chasse... Mais cela finissait au pire avec quelques semaines de cachot. Ce n'étaient que des enfants, après tout, et si certains étaient coupables de vol d'autres ne faisaient que porter des lettres d'amour d'un soupirant à l'autre.
"Pas de quoi fouetter un chat" disait alors souvent Matt - l'un est aînés du gang, du haut de ses onze ans et demi et celui qui avait sauvé Maze - avant de devoir rapidement abandonner l'expression quand il remarqua qu'elle perturbait systématiquement la semi-Manakete.
Tout ça pour dire que la fausse enfant fut accueillie comme n'importe qui d'autre dans la bande. Comme beaucoup d'entre eux, elle avait été trompée par un adulte, avec des intentions malveillantes, et se retrouvait désormais seule et égarée.
Son histoire étrangement complexe et lointaine les laissa sceptique dans un premier temps, et son attitude papillonnante fit soulever quelques protestations.
"Une fille aussi ahurie ne pourra jamais aider le clan !" râlait souvent Gigey, un blondinet de neuf ans qui avait perdu un oeil et une partie de son visage lorsque sa mère, lors d'un instant d'exaltation dément après une prise de drogue, avait tenté de le trucider. Gigey était connu pour sa langue de vipère - il râlait toujours sur quelque chose, même lorsqu'il était d'accord - et son talent de grimpeur, et fut un de ceux qui se soucièrent le plus de Maze lors de son arrivée.
Si elle était dynamique et vigoureuse, la sang-mêlé était surtout d'une innocence dangereuse et manquait d'astuce pour survivre dans les ruelles, que ce soit pour trouver sa nourriture ou échapper à une menace.
Les premiers mois après son intégration, le gang ne la laissait jamais sortir seule, et rarement dans l'obscurité. Ils veillèrent à l'entraîner, lui montrer les ficelles et faire en sorte qu'elle comprenne comment "trouver un chemin là où il n'y a pas de route".
Gigey notamment excellait dans l'art de transformer n'importe quel mur en chemin, se révélant capable de s'agripper à la moindre aspérité, au plus petit rebord d'une façade, afin de prendre rapidement de la hauteur.
Maze en revanche s'avérait incapable d'approcher son sens inné de l'observation, ou d'oser s'accrocher au montant d'une fenêtre. "Mais j'ai pas envie de déranger les gens en m'agrippant à leurs vitres enfin !" protestait-elle avec candeur.
Heureusement, la philosophie des larcineurs les plus désinvoltes fut faciles à assimiler. Elle approuvait bien naïvement lorsqu'ils disaient "Si la nourriture est exposée à la portée de tous, c'est bien pour qu'on se serve, pas vrai ?" et trouvait pas mieux à faire qu'acquiescer à la maxime "ça compte pas si on ne se fait pas attraper".
Mais hors ces soucis techniques, la nouvelle vie de l'hybride se passait bien. Elle n'approuvait pas beaucoup leur mode de vie risqué, ou la façon dont les plus téméraires se vantaient d'une course-poursuite, mais elle aimait ce sentiment d'unité, de famille qui réussissait tous ces enfants n'ayant que très peu en commun.
Mis à part le climat, elle se sentait un peu chez elle. Il y avait toujours quelqu'un pour veiller sur les autres, et vice-versa. En cela d'ailleurs, elle s'avéra assez brillante.
Toujours volontaire, toujours enjouée, Maze fut rapidement appréciée pour sa gentillesse et sa patience - c'est plutôt elle qui usait celle des autres à l'occasion - ainsi que pour ses récits.
De part la constitution cosmopolite du gang, il y avait un imaginaire collectif assez étendu, les membres étant venus d'un peu partout au fil du temps... Mais Maze surpassait de loin toutes les histoires qu'ils pouvaient se raconter avant son arrivée.
Elle leur parla du désert et de la mer de dunes, comme de l'horizon gelé des montagnes d'Ilia - qu'elle avait pu observer de près dans ses séjours en Étruria, sans pour autant les visiter - ou du reflux calme et du parfum ozoné de l'océan, ou des anecdotes que lui avaient raconté ses propres aînés à Arcadia ou encore le mercenaire qui l'avait conduite ici... Et surtout des dragons.
Après la guerre qui avait vu leur retour dévastateur, les peuples recommencèrent à avoir peur des mythiques reptiles qui nourrirent une nouvelle fascination chez les gens, tout particulièrement chez les enfants. Autant dire que Maze trouvait toujours un public attentif lorsqu'elle évoquait ceux aux côtés desquels elle avait grandi.
On avait parfois un peu de mal à la croire, en particulier à propos de ses origines et de sa quête... Mais ça n'avait pas beaucoup d'importance. Même les plus désabusés se disaient qu'au pire, ça faisait rêver les plus naïfs et ça ne pouvait pas faire de mal.
Parfaitement l'une des leurs, le gang garda un oeil et une oreille à la recherche du fameux bijou de la fille du désert en continuant leurs activités, comme d'habitude.
Le temps passa. Des mois, puis des années. De nouvelles têtes allaient et venaient dans le gang tandis que Maze continuait à se familiariser avec la vie de petite voleuse. Escamoter une pomme sur un étal était devenu naturel pour elle, et le faire discrètement était presque un jeu auquel elle essayait de gagner pour avoir le plaisir de partager le butin avec le reste de la bande.
Bien après le départ des premiers à l'avoir accueillie, la fille des sables s'était bien adaptée à l'escalade, aux acrobaties et à l'identification et l'usage de "raccourcis" et autres passages pas forcément secrets, mais réservés à des petits gabarits. Et si le passage du temps la rendait toujours plus grande, jusqu'à en exercer une certaine fascination lorsqu'elle approcha de la taille d'un homme adulte, elle resta d'une extrême finesse qui lui permettait de continuer à utiliser la plupart des circuits de la bande.
Devenue également "l'aînée" du gang par la force des choses et des évidences, Maze s'attacha à entraîner à son tour les "nouveaux". C'était une routine comme une autre pour elle. Les jours tendaient à se répéter, mais elle était loin de se lasser.
Au fil du temps, elle se laissa également tenter par le genre d'expérience qui intéresse les jeunes adolescentes. Véritable esprit libre, la sang-mêlé cédait facilement à la curiosité sans
a priori et ne manquait pas d'amuser ses partenaires d'une semaine ou d'une année par son expressivité, qui ne manquait pas de trahir sa fébrilité, son plaisir et surtout son infatigable gentillesse qui l'amenait à offrir confiance et amour aux filles comme aux garçons sans distinction.
Bien sûr, ses expériences les plus... Intenses furent de se blottir avec deux trois copains/copines en même temps pour se tenir chaud les uns les autres après avoir s'être faits quelques bisous du bout des lèvres. Hého, plus ça aurait été tout baveux et dégoûtant voyons !
Elle essaya de faire parvenir, de temps à autre, lorsque quelqu'un l'y faisait penser - et veillait à ce qu'elle n'oublie pas juste après - à Arcadia pour rassurer les siens. "Je vais bien, je suis entourée de pleins d'amis !" disait-elle.
En revanche, toujours aucune trace de son précieux bijou, malgré plusieurs fausses alertes et le fait que sa quête soit devenue, un peu malgré elle, celle de la bande. Leur seul véritable "objectif commun" en dehors de celui de la survie et qui n'était motivé par aucun autre but que celui de restituer enfin le trésor volé à sa légitime propriétaire.
Quinze ans s'écoulèrent ainsi, à voir se succéder des "générations" de jeunes en difficulté, et la fille des sables ne semblait grandir qu'à peine, de façon imperceptible, et pourtant stupéfiante à long terme. Incapable de s'imposer lorsque le ton s'élevait un peu, Maze était cependant toujours écoutée.
Sa longévité, tant naturelle qu'au sein du clan, et son naturel idyllique en firent le pilier du gang. Elle semblait avoir toujours été "là", elle avait vu les anciens des anciens et veillait toujours sur eux. Cette aura de "surnaturel bienveillant" qui l'entourait de plus en plus avec le temps inspirait les membres du gang à lui faire confiance et à l'écouter.
Si bien que sa petite bande se bâtit une réputation pacifique. Maze encourageait à veiller sur les autres, même s'ils n'appartenaient pas à leur groupe, et à désamorcer les conflits plutôt que les attiser. Il n'était pas rare que leur bande coopère avec une autre, habituellement rivale, pour réaliser des gros coups lors des périodes difficiles.
C'était parti pour durer encore un moment. La "jeune" fille se plaisait avec sa petite famille qui changeait sans cesse de visage, et était ravie chaque fois qu'elle parvenait à obtenir un résultat exempt de violence. Quel autre quotidien aurait-elle pu souhaiter ?
Puis un jour, un adulte est venu la chercher. La règle du "on évite le contact avec les grands en dehors du boulot" avait survécu aux années, et la venue de celui-ci suscita une vive animation dans le clan.
Maze, rendue curieuse par cet événement exceptionnel dans sa petite vie, accepta de rencontrer l'adulte et eut l'une des plus grosses surprise des quinze dernières années.
Son "invité" était un ancien de la bande, Vic, parti il y a plus de dix ans. Sa première remarque en voyant Maze, fut "Mais c'est que t'as quand même grandi, finalement !". Quelque part, il était aussi troublé que rassuré de savoir que tout ce qu'elle leur avait raconté à son sujet était vrai.
Après quelques chaudes retrouvailles - Maze étant ravie de retrouver l'un de ses anciens "frère de bande" - où ils rattrapèrent un peu le temps perdu. Vic leur raconta qu'après avoir un peu baroudé ici et là, il avait réussi à être engagé dans le commerce, en qualité de "seconde main". Il était un peu aux différentes ventes ce qu'un majordome est à la noblesse.
Et c'est dans cet honnête labeur qu'il avait fini par retrouver la trace du précieux de La Frangine. Le fameux saphir rose, et cette fois ce n'était pas une rumeur. Il n'était pas sûr et certain qu'il s'agisse de la bonne pierre, mais la description correspondait bien, et les transactions étaient déjà en train d'être préparées. C'était une affaire sérieuse, et elle allait avoir lieu dans une dizaine de jours.
Après avoir réussi à calmer Maze, devenue fébrile à l'idée qu'on ait retrouvé la trace de son bijou et qu'il soit tout proche, presque à portée, ils commencèrent à discuter de la méthode pour le récupérer sans que ça finisse en catastrophe. C'était un point sur lequel insistait toujours la fille des sables "les trésors, même précieux, c'est bien mais ça ne vaut pas une vie.".
Vic ne s'attarda toutefois pas longtemps après ça , afin d'éviter de créer des soupçons. Il garda le contact via les courriers, permettant de communiquer directement avec la bande en donnant l'impression de simplement utiliser les gamins connus pour leur jeu de messagers, et rendit une nouvelle visite en début de soirée quelques jours après pour fignoler les détails.
Le bijou allait être mis aux enchères, dans une salle tout ce qu'il y a de plus officielle et légale et sous bonne garde. Située dans les quartiers plutôt "classes" de Bulgar, la pierre, ainsi que d'autres richesses hors de prix, allait être présentée à des hommes et femmes dotés d'un grand pouvoir financier.
Le souci allait donc être de rentrer dans le bâtiment, d'atteindre la salle de vente, s'emparer de la pierre... Et surtout de repartir vivant ET avec la précieuse roche.
D'autant plus que Vic ne serait pas présent lorsque la vente commencera à cause de son rang trop faible. Il fit toutefois son maximum pour fournir autant d'informations que possible à la bande de Maze.
En se creusant la tête avec toute l'inventivité dont peuvent faire preuve des enfants vivant de débrouillardise, ils arrêtèrent un plan à peu près convenable. En fait, ils ne voyaient pas comment en faire un autre, car avec les moyens à leur portée et le peu de temps dont ils disposaient, ils doutaient pouvoir faire autrement.
Cela dit, il leur semblait prometteur. La stratégie reposait sur une petite équipe, les meilleurs du gang dans différents domaines et seraient chargés de différentes tâches afin d'augmenter leurs chances de succès et de fuite.
Dès la veille de la vente, des "messagers" se rendirent jusqu'au complexe de bâtiments pour transporter leurs lettres bien qu'ils n'aient pas été mandatés, et qu'ils prirent soin de se tromper de chemin, de toquer à de nombreuses portes, et autres petites ruses d'enfants pour repérer le terrain.
Dans la même journée, les trois plus discrets de la bande profitèrent de ces aller et venues pour disparaître dans les couloirs, profitant de leur petite taille et leur agilité pour se glisser sous un meuble ou se percher dans un angle sombre, à trois points différents dans le complexe. L'un des trois guidera "la seconde équipe" le lendemain, lorsque la vente aura commencé tandis que les deux autres créeront une diversion.
Seconde équipe qui sera composée de deux coureurs et de Maze, et qui prendront les plus gros risques. Ils devront foncer à l'intérieur, trouver la pierre, s'en emparer, et ressortir en comptant uniquement sur leur mobilité pour faire perdre de vue le trésor et échapper aux gardes.
Et c'est tout. "On place des scouts, on fonce dans le tas pour chopper le bijou, et on se casse en zigzaguant autant que possible en se dispersant pour diviser les poursuivants...et on espère que tout se passera bien."
Au moins, ils avaient le moral. Maze était impatiente de retrouver sa pierre...mais s'inquiétait du sort de ses camarades au vu de la dangerosité de l'opération.
Contrairement à eux, qui étaient tout excités à l'idée de semer la pagaille chez les "grosses-poches" avec peut-être la possibilité de piquer quelques babioles en passant. D'autant plus qu'ils souhaitaient tous qu'elle retrouve son trésor de famille et auraient tenté leur chance même si elle ne se joignait pas à eux.
Mais le jour J, les choses se compliquèrent très vite. Ils pensaient pouvoir continuer à circuler en prétextant porter un message ou être attendus... Mais soit les gardes avaient trouvé leur petit manège soudain de la veille suspect, soit ils avaient renforcés les ordres et ne laissaient plus personne entrer sans autorisation.
Impossible de les baratiner également, si bien qu'ils prirent du retard sur le plan... Et que l'un des éclaireurs, ne les voyant pas arriver à l'heure prévue, pensa que la seconde équipe avait pris un autre chemin et qu'il serait donc l'un des deux à créer une diversion.
Il provoqua ainsi un incendie en versant le contenu d'une bouteille d'alcool volée dans les cuisines pendant la nuit sur un grand tapis avant de l'allumer grâce à un briquet à silex. Accomplissant son méfait de façon visible, il fut rapidement pris en chasse et il se démena pour balader les gardes aussi longtemps que possible.
L'agitation qui gagna le palais finit par parvenir aux autres éclaireurs. Le plus proche de la grande entrée de se dépêcha d'essayer de retrouver la seconde équipe, tandis que le dernier se joignait aux "distractions".
Aussitôt qu'ils aperçurent leur guide, les trois coureurs laissèrent tomber les ruses et se faufilèrent comme des anguilles dans le complexe, contournant les gardes, lourdauds en comparaison avec leurs armures. Véritables acrobates, le trio pouvait courir le long des murs ou atteindre le moindre balcon avec aisance, ou même se laisser glisser ou rouler entre les vigiles les plus massifs.
Le guide leur indiqua le plus vite possible la direction de la salle des ventes, avant de leur fausser compagnie pour retourner se cacher. Plus lent qu'eux, il ne tenait pas à se faire rattraper et à payer pour les autres.
Une fois parvenus devant la salle, ils essayèrent d'ouvrir la porte de force, mais elle avait été verrouillée depuis l'intérieur pour éviter justement d'être dérangés par qui que ce soit venant de l'extérieur.
La rumeur d'un incendie était déjà parvenue à l'intérieur et aurait pu les faire paniquer, mais l'organisateur avait rassuré les clients avec professionnalisme. Un petit accident, ça peut arriver, mais leurs hommes pouvaient aisément gérer les soucis. Si ça avait été suffisamment grave pour qu'ils doivent reporter la vente, ils s'en seraient vite rendus compte.
Heureusement pour Maze, sa camarade coureuse, Mina, une fille de chasseur qui avait autrefois l'habitude d'accompagner son père en forêt jusqu'à ce que des bandits le tuent et la capturent, avant de la vendre, eut une idée lumineuse.
Elle se mit à tambouriner contre la porte comme une folle en pleine crise de terreur. "Aidez-moi !" se mit-elle à hurler, le bruit de ses poings contre la porte étouffant presque sa voix. "Ils veulent me violer ! Ouvrez-moi par pitié !".
Garder son calme au cours d'une alerte incendie contrôlée, c'était classe. Refuser d'aider une gamine aux abois qui cogne à votre porte, en revanche, ça présente très, très mal. Surtout quand une voix d'homme, très énervé, se met à crier ensuite "Ici ! Venez vite !".
Dans le doute, et grâce à la performance tristement convaincante de Mina, l'organisateur fit ouvrir la porte. Mina se jeta aussitôt dans la pièce, haletante après la course effrénée depuis l'entrée et tituba au bout de trois pas.
En revanche, ce qui n'était pas prévu par les gardes, c'est de voir deux autres enfants se glisser à sa suite comme des anguilles. L'organisateur comprit rapidement l'escroquerie et ordonna immédiatement qu'on les attrape.
L'un des gardes se rua sur Maze, décidé à attraper la plus grande en premier alors qu'elle fonçait sur les articles mis aux enchères dans l'arrière-salle. D'un seul geste, elle retira son bandeau et le lui jeta au visage pour gagner une seconde de surprise, et plongea sous une table avant de serpenter entre les produits.
Le second coureur en fit de même de l'autre côté de la salle, tandis que Mina sautait au milieu des sièges des clients pour semer la confusion chez les acheteurs potentiels, qui ne savaient pas comment réagir à toute cette agitation et exigeaient en plus qu'on les aide immédiatement.
Idéal pour stresser les pauvres vigiles, qui devaient déjà veiller à ne surtout rien abimer dans les articles en vente, et qui blanchissaient à mesure qu'ils voyaient les deux coureurs sauter et rouler autour de peintures uniques ou de vases précieux.
Puis, enfin : La pierre.
Maze se jeta littéralement dessus et sentit dès qu'elle la prit en main qu'il s'agissait de la bonne. Elle exulta de joie en brandissant le poing, avant que la vision de deux hommes aux épaules larges lui fonçant dessus ne la ramène à la réalité.
Elle tourna les talons et fonça vers le fond de la salle, courant de toutes ses forces en ayant conscience d'être à un cheveu de la portée de ses poursuivants alors qu'elle se dirigeait vers un cul de sac. Enfin, ça aurait été le cas pour quelqu'un de moins agile.
La sang-mêlé prit appui sur le mur pour rebondir en salto arrière par-dessus les deux gardes qui s'aplatirent contre le fond de la pièce alors qu'elle repartait dans l'autre sens. En voyant deux autres gardes arriver, elle appela son compagnon et lui jeta la pierre, qu'il attrapa à la volée avant de retourner dans la salle d'exposition où Mina continuait son numéro.
Les clients, outrés mais inoffensifs, s'avéraient une aide très précieuse pour les deux enfants qui s'en servaient comme à la fois comme bouclier et obstacle contre les vigiles, qui n'osaient pas brutaliser les nobles et riches marchands, mais perdaient ainsi du terrain sur les deux voleurs.
Prise de panique pour sa part, Maze faillit se faire acculer par les gardes jusqu'à ce qu'elle saisisse un vase et le leur jette dessus. Ayant, eux, conscience que trois ans de salaire ne suffirait pas à le rembourser, ils oublièrent quelques instants la gamine pour sauver l'amphore.
C'était plus qu'il ne lui en fallait pour rejoindre ses complices, avec qui ils se firent plusieurs passes avec la pierre afin qu'on ne sache plus qui l'avait en sa possession en se faufilant comme des anguilles dans un sens ou l'autre, rebondissant contre les murs ou glissant sous les larges jupons des dames pour rendre fous leurs poursuivants sous les cris toujours plus furieux des clients.
L'étape deux était une réussite : Récupérer le trésor de Maze. Le vrai problème, c'était la suivante, sortir. Car s'ils ne pouvaient pas les attraper sans risquer d'avoir des comptes à rendre aux nantis, le service de sécurité avait le nombre et la position pour lui. Les gardes à l'extérieur viendraient de plus en plus nombreux en renforts, et il leur suffisait de bloquer les portes pour finir par les coincer.
Il leur fallait tenter le tout pour le tout, et très vite. Profitant de serpenter entre les riches acheteurs potentiels et d'avoir fait la passe de la pierre, Maze ôta sa tunique avant de crier à ses compagnons de tenter une sortie. Zigzagant dans tous les sens, le trio tenta de se réunir pour foncer vers la seule porte ouverte, par laquelle les gardes s'entassaient.
Habitués à ce genre de rapports de forces défavorables, les enfants savaient aussi qu'un tel nombre dans un espace aussi étroit pouvait rapidement se retourner contre ceux qui en bénéficiaient. En se marchant dessus ainsi, les gardes se gênaient les uns les autres et ne se laissaient aucune marge de manœuvre.
À la tête de "l'assaut", moins d'un pas devant Mina, la fille du désert désormais torse nu jeta sa veste au visage du premier soldat qui bloquait la sortie. Aveuglé par cette attaque improbable, il se fit heurter de plein fouet par la jeune voleuse qui n'avait pas le temps de freiner et le fit vaciller de quelques pas sur le côté alors que la "gamine" rebondissait contre son armure.
Le second garde bouscula son compagnon pour essayer de faire autre chose qu'attendre de voir ce qui se passait en regardant par-dessus son épaule et eut tout juste le temps d'apercevoir Mina lui flanquer un coup de poing interdit par les conventions sportives qui le fit se plier en deux.
Penché, il servit de tremplin aux deux coureurs qui essayèrent de bondir à travers la masse compacte des gardes, qui se bousculèrent les uns les autres en essayant tous en même temps de les attraper.
Et la foule se changea en mêlée indistincte.
Malgré leur agilité, les deux enfants avaient du mal à bouger dans cette grouille. Des dizaines de mains semblaient les agripper par le col, les poignets, les cheveux, la maladresse de leur prise étant compensée par leur nombre.
Ils se débattirent alors comme de véritables furies, ruant, mordant, crachant vers les yeux sans aucune interruption en hurlant comme des possédés. Peu après, Maze suivit leur route et sauta dans la mêlée.
Plus grande, elle fit chanceler un garde, qui s'écroula sur un autre, qui perdit l'équilibre alors que Mina poussait son pied en travers de sa bouche, et tout ce petit monde se retrouva rapidement en gros tas confus par terre.
Hystériques, ses compagnons continuèrent à lutter et se tortiller jusqu'à réussir à se dégager de l'étreinte hasardeuses des gardes, et sitôt qu'ils purent bouger, partirent en sprint dans des directions opposées. Maintenant qu'ils disposaient de toute la place qu'il leur fallait pour courir et sauter, ils ne redoutaient plus leurs poursuivants.
Contrairement à Maze, qui se retrouva au beau milieu de la horde avec en prime une cheville tordue. L'un des gardes en titubant était tombé dessus, la faisant hurler. À demi-nue, et sa voix claire ayant en plus capté l'attention des soldats, la malheureuse se retrouva rapidement à leur merci.
En l'absence de chemise, ses longs cheveux fournissaient une prise idéale, alors que la fatigue et sa blessure l'empêchaient de se débattre efficacement, et il ne fallut pas plus d'une dizaine de secondes pour qu'elle se retrouve écrasée par trois soldats, face contre terre et les bras tordus dans le dos.
Pour elle, la course était terminée... Mais au moins, ses compagnons avaient réussi à s'enfuir, et avec la pierre qui plus est.
Une heure plus tard, la sang-mêlé avait eu droit d'avoir une tunique de prisonnier avant d'être jetée dans un cachot et menottée les poignets en arrière sans même lui accorder un bandage pour sa cheville. Il n'était pas question de lui accorder la moindre compassion ou liberté de mouvement, au vu de la façon dont elle et ses compagnons les avait tourné en ridicule.
Les responsables de la vente fulminaient. Des enfants des rues - des pauvres morveux même pas armés - étaient parvenus non seulement à entrer jusqu'à dans une salle sécurisée et à y semer le chaos, mais en plus ils avaient humiliés des gardes entraînés et en surnombre considérable au point réussir à s'échapper avec l'un des objets de la vente !
Leur crédibilité quasiment anéantie, et le vol du saphir rosé étant une perte considérable d'argent, leur seule et très maigre consolation était d'avoir réussi à attraper le cerveau de l'opération. Une adolescente maigrichonne aux cheveux violets.
Et en plus, elle refusait de balancer ses compagnons.
Les organisateurs durent chercher un moment pour trouver un de leurs agents suffisamment peu scrupuleux pour être prêt à torturer une gamine pour qu'elle leur dise comment faire payer toute sa bande de lascars.
La plupart de leurs hommes refusaient d'avoir recours à une méthode aussi barbare, même sous la menace d'être virés, ils considéraient comme intolérable de supplicier une enfant qui en plus avait été la seule à être blessée au cours de tout ce chaos.
Hélas, certains avaient moins d'éthique et un peu plus de goût pour l'argent et ne se privèrent pas de martyriser la jeune fille qui perdit rapidement toute notion du temps et de la raison - le peu qu'elle avait du moins - et fut persuadée pendant un moment qu'elle allait mourir de déshydratation tant elle sanglotait sous la souffrance.
Elle cria, hurla, supplia alors qu'elle ne comprenait pas la raison de tant de cruauté. Maze essaya d'expliquer au début, entre deux "arguments", que la pierre appartenait à sa famille depuis des éons et qu'elle lui revenait de droit... Mais abandonna bien vite ce maigre espoir de justice, car la torture n'en devenait que plus insoutenable lorsqu'elle le faisait.
Mais malgré tous leurs efforts, et le fait qu'elle était prête à leur répondre n'importe quoi, même en draconique, pourvu qu'ils arrêtent... Impossible de lui arracher quoique ce soit à propos de sa bande.
C'était la dernière chose qui l'empêchait de réellement devenir folle, son besoin, et sa capacité même sous les idées de son bourreau, de protéger les siens. Si elle parlait, ils subiraient la même chose qu'elle, peut-être même pire.
Et elle redoutait qu'ils ne finissent par en mourir, puisqu'ils récupéraient beaucoup moins vite qu'elle de telles atrocités. Sa faculté à guérir rapidement n'échappa pas à ses geôliers, qui s'étonnèrent de la résilience qu'un tel don lui conférait, bien qu'il ne faisait pas le poids face à leur "inventivité".
Cela dit, il leur apparut clairement que la fillette du désert était prête à emporter le secret dans la tombe plutôt que de laisser échapper un seul nom. Or, si on apprenait qu'en plus d'avoir été roulé par des enfants, ils s'étaient abaissés à en torturer un jusqu'à ce que mort s'ensuive en dépit de sa faculté de régénération, alors ça en serait définitivement fini d'eux.
Ils parièrent alors sur une autre idée. Puisqu'elle était prête à tout pour défendre les siens, peut-être que l'inverse était vrai également, et que s'ils attentaient à sa vie à la vue de tous en prétextant "faire appliquer la justice", sa petite bande sortirait de son terrier.
Aussi, une semaine après l'avoir attrapée, ils firent publier l'information d'une exécution prochaine comme il se doit, pour que la population sache que la justice faisait son travail en bonne et due forme. Dans trois jours, elle serait conduite à l’échafaud pour y être pendue, afin de faire passer le message aux autres voleurs que la jeunesse ne préserve pas de la loi.
La population variée s'en offensa, trouvant cruel de mettre à mort une simple adolescente... Mais ne pouvaient que comprendre la raison d'une telle sanction. La jeune adulte - qui semblait avoir l'âge qu'avait Roy lorsqu'il triompha du Roi Zephiel - était une voleuse de haut vol.
Si elle osait piller une chambre des commerces, qui pouvait donc être à l'abri de sa cupidité ?
Le jour fatidique venu, c'est solidement attachée et sous lourde garde qu'elle fut trainée jusqu'à son destin. Malgré sa vitesse de récupération, elle peinait à être un pied devant l'autre et ce n'était pas du qu'aux chaînes qui entravaient ses chevilles.
Son état de santé était déplorable et elle n'avait pas eu ne serait-ce qu'une seule heure de sommeil digne de ce nom depuis presque dix jours, si bien que les soldats qui l'entouraient la portaient plus qu'elle ne marchait.
Toutefois, la vue du nœud coulant qui l'attendait réveilla un peu son instinct de survie et la fit s'affoler, et si elle n'eut pas la force de se débattre elle cria malgré tout misérablement "Ne me pendaisonnez pas, par pitié !" mais en vain.
Ils lui passèrent la corde au cou, la laissant fondre en sanglots paniqués alors qu'ils récitaient les textes habituels pour une exécution en toute légalité. Les soldats guettaient une réaction dans le public, s'attendant à voir des enfants se précipiter à tout instant pour voler au secours de leur cheffe et tomber dans leur piège.
Mais ce sont les adultes qui commencèrent à protester. Bien sûr, les organisateurs du "spectacle" ne s'attendaient pas à être applaudis... Mais ils n'avaient pas non plus prévu d'être hués par une foule outrée.
Car en découvrant l'annonce de l'exécution de Maze, Vic avait alors fait des pieds et des mains auprès du gang et de différents publics pour faire entendre l'histoire de la jeune fille à un maximum de gens.
Si bien qu'au bout du troisième jour, tous ceux qui étaient venus assister à la scène savaient que la pierre était un bijou familial. Un trésor légué par sa grande-mère, la seule chose qui lui restait d'elle d'ailleurs, et qu'elle avait fait le voyage depuis Nabata pour essayer de la retrouver.
Les gens du commun ne pouvaient pas rester de marbre face à son histoire touchante et à sa détermination pour retrouver un bien aussi précieux pour elle. D'autant plus que la "jeune" fille n'était pas forcément inconnue, sa grande chevelure violette, son allure de grande asperge et ses exploits acrobatiques lui ayant donné une petite renommée dans les rues, au même titre que son pacifisme sans bornes. Jamais qui que ce soit ne s'était plaint de violences de sa part.
Et puis... Le petit peuple, même curieux de marchandises et d'originalité, n'aimait généralement par les manières outrancières des "grands riches" et leur préférence pour les bijoux plutôt que les vies humaines.
Si bien que lorsque l'annonciateur voulut commander au bourreau de faire son office, c'est une peuplade furieuse qui faisait pression contre le cercle de gardes protégeant l'échafaud. Cercle qui peinait à ne pas céder sous les spectateurs, à quatre contre un.
Cela n'empêcha pas le bourreau d'ouvrir la trappe qui précipita la malheureuse hybride dans le vide, déclenchant une véritable vague de violence. La dernière chose dont elle se souviendra avant de perdre connaissance, submergée par la douleur et l'épuisement, c'est d'une bataille faisant rage entre civils et gardes.
Elle se réveilla dans l'une des cachettes de son gang, et lorsqu'elle fut suffisamment remise pour pouvoir comprendre ce qu'on lui disait, on lui apprit ce qui s'était passé.
Les vigiles avaient cédé sous le nombre, obligés de battre en retraite, et bien incapables d'arrêter les compagnons de Maze qui profitèrent du chaos pour la délivrer. En l'absence de réaction, lorsqu'elle s'écroula au sol après qu'ils aient coupé la corde, ils la crurent morte et c'est seulement après avoir réussi à la traîner loin du chaos qu'ils purent s'assurer de sa survie.
De ce triste événement, la fille du désert garda un amer regret d'avoir été la cause d'une telle violence, qui vit de nombreuses personnes être blessées, parfois grièvement, et une forte réticence aux cols serrés et autres écharpes.
En revanche, elle était enchantée au-delà de ce que les mots, dans une langue ou une autre, pouvait exprimer d'avoir vu de parfaits inconnus s'unir pour aller à son secours.
Et pour ne rien gâcher au tableau final : Elle était désormais en possession de la Dracopierre de son aïeule.
Elle resta près d'un an et demi encore à Bulgar, malgré le fait qu'elle ait retrouvé l'objet de sa quête. C'était le temps dont l'adolescente avait eu besoin pour retrouver tous ceux qui lui étaient venus en aide et les remercier. Aussi souvent que possible, Maze offrit ses compétences à ceux à qui elles pouvaient profiter - lorsque c'était animé par de bonnes intentions - en preuve de sa reconnaissance.
Entre temps, elle avait fait parvenir une nouvelle lettre à Arcadia, dont le contenu se résumait peu ou prou à :
"J'ai retrouvé la pierre de grand-mère ! J'ai du la voler à des gens pas très très gentils qui m'ont pendue parce qu'ils étaient pas contents, mais ça va, grâce à d'autres gens qui eux étaient très très gentils et m'ont sauvée !
Je vais faire de mon mieux pour les remercier, puis j'irais voir un peu du monde. Avec tout ça, j'ai pas encore eu le temps de visiter ! Et puis je suis une grande maintenant, je peux me promener toute seule ! Même si mon gang va me manquer, ils étaient tous très sympas !
Je finirais bien par rentrer à Arcadia. Bisous, je vous aime !"
En lisant la missive, sa mère faillit bondir de sa maison et quitter le village pour la retrouver, morte d'inquiétude. Il fallut trois voisins et beaucoup d'efforts pour la retenir et la calmer.
Puis, une fois sa gratitude exprimée aussi convenablement que possible - bien que ce ne puisse jamais être assez selon elle - la fille des sables quitta finalement Bulgar et sa petite bande, qui se retrouva très chagrinée de son départ mais continua à raconter "sa légende" aux "générations" suivantes.
Et depuis, elle parcourt les routes de tous les pays, s'émerveillant comme au premier jour de toutes les découvertes et paysages qu'elle peut voir en s'attirant l'affection des plus compatissants comme l'agacement des moins patients.
C'est une vie qui lui plaît, même si elle ne comprend pas toujours tout, et elle ne s'est pas une seule fois posé la question de "quand est-ce qu'elle arrêtera".